La déferlante de la césarienne sur la planète semble ne pas vouloir s’arrêter. Près de douze millions d’interventions ont été pratiquées abusivement en un an, sans bénéfice attendu pour la santé de la mère ou de l’enfant, dans la centaine de pays qui dépassent allègrement les taux recommandés de 10 à 15 % de naissances par césarienne par l’Organisation mondiale de la santé.
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Cet engouement pour les naissances sous anesthésie au bloc opératoire a pris la tournure d’une « épidémie », rapportent l’épidémiologiste Alexandre Dumont et le démographe Christophe Guilmoto dans leur étude « Trop et pas assez à la fois : le double fardeau de la césarienne », publiée par l’Institut national d’études démographiques ce mercredi 9 septembre.
« On bascule facilement du déficit à l’excès »
Dans les pays pionniers d’Amérique latine, plus d’une femme sur deux subit une intervention chirurgicale pour accoucher : 58 % en République dominicaine, 55 % au Brésil, 50 % au Chili, 49 % en Équateur.
Ce modèle d’accouchement supposé moderne et sécurisé, fondé sur une médicalisation abusive, gagne tous les continents. L’Égypte, la Turquie, le Liban ou l’Iran flirtent avec la barre des 50 %. En Europe, Chypre caracole en tête avec un taux de 57 %, probablement aux côtés de la Grèce, selon des données non officielles, la Roumanie et la Bulgarie dépassent les 40 %, l’Italie 35 %, etc. Au total 43 pays ont un taux supérieur à 30 %, quand, inversement, 28 pays qui n’atteignent pas 5 % souffrent d’un déficit préjudiciable pour les femmes.
« On bascule facilement du déficit à l’excès pour les classes sociales plus favorisées dans les pays émergents ou en développement », relève Christophe Guilmoto. D’où le « double fardeau » évoqué par les auteurs. Ainsi en Inde, à peine 6 % des femmes peuvent recourir à la césarienne dans l’État du Bihar au nord du pays, mais 58 % dans celui, plus prospère, du Telangana au sud, quand les Indiennes les plus aisées y recourent en moyenne à 37 %.
« Au Vietnam, des maternités usines à césariennes »
Difficile de savoir la part qui incombe à chacune des explications, reconnaissent les auteurs, entre la quête de confort, la peur de l’accouchement, la volonté des médecins de programmer les naissances et d’y consacrer le moins de temps possible, leur perte d’expertise en matière d’accouchement et, bien sûr, le profit qu’en tirent les établissements de santé. Tout en évinçant les risques inhérents à une intervention chirurgicale.
« Au Vietnam, il y a des maternités usines à césariennes, avec 14 blocs opératoires dédiés qui mobilisent médecins et anesthésistes et, à côté, une salle de travail collective, sans ressource, très dissuasive, rapporte Alexandre Dumont. Comment, face à cette pression tacite, les femmes ne voudraient-elles pas accoucher dans l’intimité du bloc avec le médecin qu’elles ont choisi ? » Si la césarienne peut être programmée, « elle est aussi souvent suggérée au moment où la femme entame son travail d’accouchement, et où son choix est de fait contraint », ajoute Christophe Guilmoto.
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Certains des pays qui ont des systèmes de santé robustes ont résisté à cet emballement. La Finlande, les Pays-Bas, la Suède ou le Japon ont ainsi des taux inférieurs à 20 %. « En France, il y a eu une prise de conscience depuis quinze à vingt ans. La remise en cause des pratiques et la revue obligatoire des indications des césariennes ont permis de stabiliser le taux à 20 % », précise Alexandre Dumont. Selon lui, le rôle des sages-femmes est sans doute déterminant pour encourager l’accouchement naturel. Et la féminisation du corps des gynécologues-obstétriciens doit aussi jouer en sa faveur.
September 09, 2020 at 05:02AM
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Des millions de césariennes abusives dans le monde - Journal La Croix
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le profit
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