Alors que les socialistes font leur rentrée politique à Blois (Loir-et-Cher), Stéphane Le Foll, l'ancien ministre de l'Agriculture de François Hollande et maire du Mans (Sarthe), fustige la stratégie d'alliance avec les écologistes prônée par le premier secrétaire, Olivier Faure. "Il faut un vrai acte de refondation du PS", réclame-t-il dans le Journal du dimanche et assène : "Si le PS reste sur la ligne actuelle, sur l'effacement comme aux européennes plutôt que sur la refondation, cela nous conduira à l'échec."
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Le PS a fait sa rentrée ce week-end. Dans quel état est-il?
Le PS est dans un état ambigu. Les municipales se sont globalement bien passées : nous avons bien résisté, et même gagné quelques villes. Mais le PS reste flou sur sa ligne alors que des questions politiques majeures se posent : crises économique, sanitaire, sociale, écologique et républicaine… Et pendant ce temps-là, le premier secrétaire Olivier Faure parle d'alliance avec les écologistes, quand il faudrait parler projet. C'est une erreur d'analyse. Certes, la désunion n'est pas le meilleur gage de réussite. Mais, avec les écologistes, il reste trop de questions à trancher.
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La ligne politique des Verts me pose un problème car nous avons avec eux des divergences de fond
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Olivier Faure ne peut-il revendiquer une part des bons résultats aux municipales?
Le renouveau que l'on a pu observer au moment des municipales est lié à des contextes très locaux, avec des personnalités parfaitement identifiées comme socialistes. Je ne crois donc pas que nos victoires soient imputables à la direction du PS. Aux européennes, parce que le PS ne se jugeait pas assez fort et pas assez aimé, il est allé se cacher derrière une autre tête de liste. C'était une erreur stratégique. Elle n'a obtenu aucun résultat.
Que reprochez-vous aux Verts?
Aujourd'hui, les Verts sont dans une logique comportementaliste. C'est une écologie expiatoire et culpabilisatrice. Les écologistes jugent les Français à travers leurs comportements : avec quoi ils roulent, ce qu'ils mangent… Leur secrétaire national, Julien Bayou, parle de "sobriété", de "prospérité sans croissance". Il faudra qu'il nous explique ce qu'il veut dire... Quand vous ne finissez pas la fin du mois, vous vivez déjà assez durement la sobriété! Ce discours ne marche pas. Ce qu'il faut changer, c'est le concept de croissance : je suis pour une croissance sûre, une croissance qui nous permette de financer notre modèle social, une croissance durable qui ne doit plus s'appuyer sur les énergies fossiles et les activités polluantes. C'est une croissance éco-keynésienne.
Les écologistes ne sont-ils pas légitimes, aujourd'hui, à revendiquer le leadership à gauche?
Oui, ils sont légitimes. Mais ils ne répondent pas aux aspirations d'une grande partie de la population. Ce que j'appelle les classes "insécurisées", celles qui ont des difficultés à la fin du mois, qui sont sous la menace d'une perte d'emploi, celles-ci n'adhèrent pas au discours de l'écologie politique aujourd'hui. Cette coupure avec les classes populaires est une faiblesse qui les empêchera de gagner l'élection présidentielle. C'est pourquoi le PS ne doit pas s'effacer au profit des Verts, car nous devons faire face au défi économique, écologique et social et offrir des perspectives et des réponses à ces classes "insécurisées".
Olivier Faure doit-il rester à la tête du PS?
Si le PS reste sur la ligne actuelle, sur l'effacement comme aux européennes plutôt que sur la refondation, cela nous conduira à l'échec.
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Faure nous dit qu'il faut un candidat unique, "peu importe d'où il vient". Mais ce "peu importe", c'est n'importe quoi!
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Doit-il forcément y avoir un candidat socialiste en 2022?
L'union n'est pour moi en soi pas un problème, je l'ai faite au Mans. Mais une candidature à la présidentielle, c'est un projet et une incarnation. Or la ligne politique des Verts, elle, me pose un problème car nous avons avec eux des divergences de fond. Éric Piolle et Julien Bayou veulent des accords avec Jean-Luc Mélenchon, alors que les Insoumis n'ont pas un discours clair sur la République! Olivier Faure nous dit qu'il faut un candidat unique, "peu importe d'où il vient". Mais ce "peu importe", c'est n'importe quoi! Peu importe le projet pourvu que nous soyons unis? Peu importe la personnalité? Eh bien non, ce n'est pas vrai.
Yannick Jadot peut-il être un candidat de rassemblement?
Julien Bayou préfère Éric Piolle, et comme les écologistes veulent une primaire interne, il se passera ce qui s'est passé lors de la primaire entre Eva Joly et Nicolas Hulot, en 2011 : la candidature la plus identitaire, la plus partidaire va gagner. Et si Jadot gagnait quand même, il serait coincé : électoralement, son socle est trop faible. Et dès qu'il fait un peu de réformisme écologiste, il est rappelé à l'ordre par son parti qui lui reproche d'être trop libéral. Il est sommé de revenir à une posture identitaire et patrimoniale. La ligne de Jadot n'est pas en capacité de gagner une présidentielle.
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Il doit bientôt y avoir un congrès du PS. Qu'en attendez-vous?
Un congrès du PS, une discussion entre nous, un tout petit débat, ce n'est pas ce qu'il faut. Nous devons voir beaucoup plus large. Il faut un vrai acte de refondation. Je suis pour des états généraux des socialistes et de la gauche. Ayons pendant six mois de grands débats sur l'Europe, la République, l'économie, l'écologie, le social… En 1993, les états généraux avaient abouti à la "gauche plurielle". Cette fois, ces états généraux doivent déboucher sur un nouveau mouvement.
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A la dernière présidentielle, l'alliance du PS et des Verts à la fin, ça fait 6%...
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Ces questions peuvent-elles se trancher par des primaires communes?
Nous n'en sommes pas là! Avant, il faut déblayer le terrain stratégique et politique. A la dernière présidentielle, l'alliance du PS et des Verts à la fin, ça fait 6%...
Pensez-vous que François Hollande ou Bernard Cazeneuve puissent être des recours?
François Hollande et Bernard Cazeneuve ont le sens de la responsabilité, mais ça ne suffira pas. Pour l'instant, il n'y a pas de recours. Pour être un recours, il faut savoir renouveler le discours.
Vous êtes maire du Mans, dans un département de circulation active du virus, la Sarthe. Avez-vous des inquiétudes sur la réouverture des écoles?
Avoir ré-ouvert en mai et en juin a désamorcé beaucoup de problèmes. Il y a une expérience acquise. Elle va être utile. Après, il y aurait dû avoir beaucoup plus de concertations avec les collectivités. Nous allons nous organiser pour assurer cette rentrée.
Allez-vous fournir des masques à tous les élèves de primaire?
Nous avons un stock de masques, qui nous permet d'exercer la solidarité nécessaire. Nous aiderons ceux qui ne sont pas en capacité d'en acheter. Nous avons déjà fait plusieurs distributions gratuites aux personnes en difficulté.
Quels sont vos espoirs et vos craintes concernant le plan de relance?
Nous, les élus, sommes directement concernés. Il devrait donc y avoir un vrai "contrat de confiance pour la relance" entre les collectivités et l'Etat. Un engagement réciproque afin que nous soyons un relais pour l'investissement dans une politique éco-keynéisenne. L'Union européenne, l'Etat, les collectivités, il faut que les trois agissent ensemble si on veut avoir la puissance de feu nécessaire. Pour l'instant, c'est parti pour être très jupitérien…
August 30, 2020 at 04:00AM
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Stéphane Le Foll au JDD : "Le PS ne doit pas s'effacer au profit des Verts" - Le Journal du dimanche
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